Projet de loi El Khomri : le temps de travail passé à la moulinette

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Source : lexpress.fr (17 février 2016)

Assouplissement du temps de travail, référendum pour valider des accords collectifs, plafonnement des indemnités prud’homales de licenciement… L’heure est aux ajustement ultimes sur la future réforme du droit du travail.

Ce sera l’une des dernières réformes du quinquennat de François Hollande. Le projet de loi de la ministre du Travail Myriam El Khomri, censé favoriser l’emploi dans un contexte de chômage de masse, a été transmis vendredi au Conseil d’État, qui doit remettre son avis le 4 mars, selon le ministère. Le texte doit passer en Conseil des ministres le 9 mars.

Certaines dispositions ne sont pas encore tranchées, mais les grandes lignes sont déjà connues. Au coeur de la future loi : la refonte du Code du travail. Présentée par le Premier ministre Manuel Valls comme une « révolution », elle doit réécrire, dans un premier temps, toute la partie -125 pages- consacrée à l’organisation du temps de travail. La suite doit s’échelonner d’ici à 2018.

Les « principes essentiels » énumérés par l’ex-garde des Sceaux Robert Badinter devraient figurer en préambule du Code. Parmi eux, le CDI, le salaire minimum, la durée légale du travail. Pas de remise en cause donc de l’actuelle durée légale de 35 heures, et la majoration minimum de 10% des heures supplémentaires sera maintenue, a promis le gouvernement.

Mieux répondre aux pics d’activité

Les entreprises auront en revanche davantage de marges de manoeuvre pour moduler le temps de travail, autour de l’annualisation, des congés, astreintes. Concernant les heures supplémentaires, la loi envisage de faire « sauter » le verrou posé par les branches professionnelles, qui peuvent empêcher une entreprise de descendre en dessous de 25% de majoration. L’objectif du gouvernement est de mieux répondre aux « pics d’activité » des entreprises, mais cela fait craindre aux syndicats un « nivellement par le bas » pour les salariés.

La loi prévoira aussi de permettre aux TPE et PME de proposer un forfait-jour aux salariés qui y consentent, sans passer par un accord collectif. Ce régime dérogatoire aux 35 heures permet une rémunération en fonction du nombre de jours travaillés et non d’horaires hebdomadaires.

Le patronat attend des garanties

Autre mesure, décriée par les syndicats, sauf la CFDT : des référendums pour valider les accords d’entreprise minoritaires, qui neutraliseraient l’opposition de syndicats majoritaires, comme ce fut le cas à la Fnac sur le travail du dimanche.

Les accords collectifs majoritaires devraient par ailleurs « prévaloir sur le contrat de travail, dès lors qu’ils permettent de préserver ou de développer l’emploi », selon Manuel Valls. Les salariés qui refuseraient un accord collectif seraient licenciés pour « motif personnel », selon une source syndicale.

Les indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié seront plafonnées, mesure défendue par le patronat. Déjà présente dans la loi Macron mais censurée par le Conseil constitutionnel, elle devrait prendre en compte l’âge et l’ancienneté.

Selon Les Échos, le gouvernement souhaiterait en outre préciser les causes du licenciement économique, afin de limiter le pouvoir d’interprétation des juges prud’homaux. Interrogé, le ministère du Travail a affirmé que ce point n’était « pas encore tranché ».

Ce serait « un grand pas en avant », a commenté mardi le président du Medef Pierre Gattaz.

Le compte personnel d’activité (CPA) précisé

C’est en effet sur les licenciements que semblent se jouer les derniers arbitrages, avec des échanges entre patronat et gouvernement. Le Medef conditionne notamment sa signature de la « position commune » des partenaires sociaux sur le compte personnel d’activité (CPA) à des garanties sur la « flexibilité ».

Le CPA, présenté comme la grande réforme sociale du quinquennat, vise à rattacher l’ensemble des droits sociaux à la personne et non au statut, pour sécuriser les parcours professionnels. Il figure dans la loi dans sa version a minima, qui ne regroupe pour l’heure que le compte personnel de formation (CPF) et du compte pénibilité – auquel le patronat s’oppose.

La loi comprendra également des mesures sur la médecine du travail et sur le numérique.