Loi Travail : Prud’hommes, licenciements… Les marges de manoeuvre d’El Khomri

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Source : lexpress.fr (7 mars 2016)

Défilé à Matignon, ces 7 et 8 mars, où Manuel Valls reçoit les partenaires sociaux pour entendre leurs revendications au sujet de l’avant-projet de loi réformant le code du travail. Voici trois mesures controversées du texte qui pourraient être remaniées à l’issue de ces concertations.

C’est ce qu’on appelle être en mauvaise posture. Tiraillé entre les promesses faites au patronat, les crispations syndicales, et la mobilisation qui s’organise, le gouvernement va devoir la jouer très finement pour faire passer sa réforme du code du travail. Après le round de concertations syndicales qui se tient à Matignon ces 7 et 8 mars, il pourrait rectifier le tir sur trois points extrêmement controversés.

1. Les indemnités prud’hommes
Les syndicats de salariés sont fortement opposés au plafonnement des indemnités prud’hommes que l’employeur doit verser lorsqu’il est condamné pour licenciement abusif. Les indemnités sont là pour réparer un préjudice dans son intégralité, clament-elles.

Sans abandonner le plafonnement, mesure emblématique pour le patronat, le gouvernement pourrait notamment lâcher du lest sur les montants prévus pour les salariés avec une forte ancienneté.

Dans la loi Macron, où un barème avait déjà été instauré (retoqué par le conseil constitutionnel pour rupture d’égalité entre les salariés, car la taille de l’entreprise était prise en considération), l’indemnité pouvait aller jusqu’à deux ans de salaire. Le barème tel qu’il est prévu dans l’avant-projet de loi Travail est moins généreux : quinze mois de salaire maximum pour au moins de vingt ans d’ancienneté. La marge de manoeuvre est là.

2. Les licenciements économiques
L’avant-projet de loi précise dans le code du travail les motifs pouvant justifier un licenciement économique.

Si cette inscription noir sur blanc n’est pas du goût de tout le monde, le gouvernement peut pour sa défense démontrer qu’il ne fait que codifier la jurisprudence actuelle. Il a en revanche moins d’arguments à revendre concernant l’autre mesure phare concernant les licenciements économiques. Il est en effet question de revoir le périmètre géographique servant à l’appréciation du motif économique avancé par l’employeur.

Le texte prévoit que ce périmètre, jusqu’ici national, deviendrait international. Autrement dit, un groupe implanté dans plusieurs pays pourrait procéder à des licenciements dans sa filiale hexagonale, quand bien même il serait prospère par ailleurs. Attractif, pour les acteurs étrangers hésitant à s’installer en France. Mais affolant du point de vue des syndicats qui craignent des « licenciements boursiers ».

C’est sans doute sur ce point que le gouvernement pourrait revoir sa copie.


3. Les forfaits jours dans les PME

Le texte porté par la ministre du Travail instaure une nouvelle latitude pour les PME de moins de cinquante salariés souhaitant s’affranchir des 35 heures : la possibilité de passer des conventions individuelles de forfait jours, sans qu’un accord collectif soit nécessaire.

Pour les syndicats de salariés, cela revient à donner en la matière un pouvoir unilatéral à l’employeur et ils s’y opposent fermement.

Pour les apaiser, le gouvernement pourrait réintroduire l’obligation d’un accord collectif. En théorie, les PME dépourvues de délégués syndicaux peuvent recourir au mandatement pour négocier des accords collectifs. Reste que, comme le rappelle régulièrement François Asselin, patron de la CGPME, « quel dirigeant aurait envie de faire entrer dans son entreprise un syndicat alors qu’il n’y est pas obligé »