PL El Khomri : le point sur les principales évolutions décidées par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée

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Source : Extrait AEF (11 avril 2016)Dépêche n°536250

Les députés de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale ont adopté 304 amendements, lors de l’examen du projet de loi El Khomri, du mardi 5 au jeudi 7 avril 2016. Le texte, désormais intitulé « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises, les actives et les actifs », doit désormais être examiné en séance publique à partir du mardi 3 mai 2016.

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée a modifié l’intitulé du projet de loi El Khomri, en indiquant que les « nouvelles libertés et nouvelles protections » du texte étaient destinées aux entreprises, aux actifs, mais aussi « aux actives ». Outre cet amendement anecdotique, les députés ont au cours des deux jours d’examen, adopté plus de 300 amendements. AEF fait le point sur les évolutions les plus marquantes du texte.

Titre I : Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective

Commission de réécriture du code du travail (art. 1er) La commission des Affaires sociales a décidé de retirer du projet de loi les 61 principes essentiels du code du travail édictés par le comité Badinter, qui devaient servir de base aux travaux de la commission de réécriture du code du travail. À la place, ladite commission est chargée travailler en veillant à ce que « les dispositions supplétives applicables en l’absence d’accord collectif [correspondent] à des règles légales en vigueur à la date de promulgation de la présente loi », c’est-à-dire dans le courant de l’été. De plus, est réintroduit le délai de deux ans pour les travaux de la commission de réécriture.

Durée du travail et congés (art. 2 et 3).Les députés ont tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde. De plus, ils ont repris les éléments de la proposition de loi sur l’allongement de la période de protection à l’issue du congé maternité, portant de quatre à dix semaines la période de protection contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé maternité. Par ailleurs, le nombre de jours accordés pour le décès d’un enfant passe de deux à cinq.

Titre II : Favoriser une culture du dialogue et de la négociation

Publicité des accords d’entreprise (art. 7). La commission fixe au 1er septembre 2017, la date à partir de laquelle les accords d’entreprise pourront être publiés sur une base de données nationale. De plus, elle étend aux signataires syndicaux, la possibilité de s’opposer à une telle publicité des accords.

Accord majoritaire et principe référendaire (art. 10).
Les députés ont supprimé le caractère automatique de la généralisation des nouvelles modalités de validation des accords collectifs. Avant de généraliser les accords à majorité d’engagement avec, le cas échéant, recours par les syndicats représentants 30 % à une consultation des salariés, le gouvernement devra présenter, dans les deux ans, un rapport au Parlement sur la mise en œuvre du dispositif sur les accords relatifs à la durée de travail à compter du 1er janvier 2017.

Accords de préservation et de développement de l’emploi (art. 11)
. La commission des Affaires sociales revoit les modalités de licenciement des salariés refusant de se voir appliquer les dispositions d’un accord de préservation et de développement de l’emploi. Le licenciement ne serait pas prononcé sur la base d’un motif personnel, mais sur une cause réelle et sérieuse, appliquée « selon les modalités de la procédure […] applicable au licenciement individuel pour motif économique » ; cela n’est pas à proprement parler un motif économique. La disposition doit être complétée en séance publique par le gouvernement pour préciser le type d’accompagnement accordé aux salariés concernés.

Recours à l’expertise par les CHSCT (art. 17). Les députés ont tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur le financement de l’expertise CHSCT en cas d’annulation par le juge de la délibération ayant décidé le recours à cette expertise. L’employeur pourrait notamment « contester le coût prévisionnel d’une expertise dès le début de la procédure […] sans attendre la remise du rapport d’expertise et la facture correspondante ».

Représentativité patronale (art. 19). La commission a supprimé l’article consacré à la représentativité patronale, ne se satisfaisant pas du fait que les pouvoirs publics aient repris le compromis CGPME-Medef. Laissant trois semaines aux organisations patronales pour se mettre d’accord, les députés comptent y revenir en séance publique.

Titre III : Sécuriser les parcours et construire les bases d’un modèle social à l’ère du numérique

CPA (art. 21). Les députés élargissent le bénéfice du CPA aux retraités, inscrivent les principes de portabilité et de fongibilité et précisent les contours du compte d’engagement citoyen qui a vocation d’intégrer le CPA.

Garantie jeunes (art. 23). L’allocation liée à la garantie jeunes devient « incessible et insaisissable » et peut être « suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat ».

Emplois d’avenir (après art. 23). Les députés actent la demande au gouvernement de produire un rapport sur la mise en œuvre des emplois d’avenir, afin d’étudier l’opportunité d’une prolongation des contrats.

Bulletin de paie dématérialisé (art. 24)
. La commission facilite l’accessibilité du bulletin de paie dématérialisé sur le compte personnel d’activité en garantissant la mise à disposition du document sur l’interface de programmation du CPA.

Droit à la déconnexion (art. 25). La négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail doit intégrer « les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion » et « la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation dans l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés et de la vie personnelle et familiale ». De même, est permise une expérimentation portant sur l’articulation du temps de travail et de l’usage raisonnable des messageries électroniques par les salariés ou les agents publics.

Titre IV : Favoriser l’emploi

Accès des PME à l’information (art. 28).
Ne retenant pas le rescrit social, la commission précise les modalités d’accès au droit pour les entreprises de moins de 300 salariés, en indiquant que « si [une] demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration peut être produit par l’entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi ». De plus, les députés souhaitent que l’ensemble des acteurs concernés coopèrent au sein d’un « service public d’accès au droit ».

Accords types de branche (art. 29). Les députés proposent que les employeurs de moins de 50 salariés puissent recourir unilatéralement à des accords types définis au sein de la branche, s’ils en informent leurs salariés, la commission de branche ou à défaut la CPRI.

Licenciements économiques (art. 30). La commission place la définition des licenciements économiques dans les règles d’ordre public. De plus, sur les critères pouvant caractériser des difficultés économiques, la commission a ajouté l’indicateur de la dégradation de l’excédent brut d’exploitation. Il sera aussi tenu compte de l’ampleur des difficultés. Enfin, une distinction est introduite entre les entreprises, selon leurs effectifs, s’agissant de la durée minimale de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires caractérisant des difficultés. Quant au périmètre d’appréciation des difficultés économiques, il doit être précisé en séance publique.

Transparence des listes CPF (art. 35). Les instances en charge de l’élaboration des listes de certifications éligibles au CPF auront l’obligation de publier « les critères selon lesquels les formations sont inscrites » sur leurs listes respectives.

Information sur la formation professionnelle (art. 36). Le texte prévoit un renforcement des informations transmises à Pôle emploi par les organismes de formation et les régions. Ainsi, les organismes de formation doivent transmettre à Pôle emploi les informations relatives à « l’interruption et la sortie effective » de formation des demandeurs d’emploi qu’ils accueillent et les régions, les informations dont elles disposent sur les demandeurs d’emploi en formation dont elles financent la rémunération.

Transfert d’entreprises (art. 41). La commission des Affaires sociales prévoit que « seules pourront déroger au principe du maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entités économiques, les entreprises de plus de 1 000 salariés qui font l’objet d’une offre de reprise qu’elles envisagent d’accepter, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ».

Obligation de revitalisation (art. 42). Les députés reviennent sur le délai de huit mois pour le ramener à six, pour conclure une convention entre l’administration et l’entreprise ayant des obligations de revitalisation dans le cadre d’un PSE.

Titre V : Moderniser la médecine du travail

Médecine du travail et inaptitude (art. 44). Dans le cadre de son obligation de reclassement du salarié, l’employeur devra désormais proposer un « emploi » et non un « poste », ce qui sous-entend l’idée de proposer plusieurs postes. Par ailleurs, les députés souhaitent que soit remise au salarié une attestation à la suite de la visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche qui se substitue à la visite médicale d’embauche.

Titre VI : Renforcer la lutte contre le détachement illégal

Détachement des travailleurs (après art. 50). La commission adopte un amendement du groupe SRC adoptant par anticipation le projet de révision de la directive européenne sur le détachement de travailleurs intérimaires effectué dans le cadre d’une prestation de services. « Il est proposé qu’un travailleur intérimaire soit employé aux mêmes conditions qu’il relève d’une agence d’intérim française ou qu’il soit détaché en France par une agence transfrontalière de travail temporaire. »

Titre VII : Dispositions diverses

Pôle emploi (art. 52)
. Les députés « cloisonnent les possibilités de retenue » offertes à Pôle emploi en matière d’indus et donnent « des garanties aux demandeurs n’ayant pas pu, de bonne foi, déclarer des périodes d’activité ».

Licenciement discriminatoire (après art. 52)
. La commission ajoute au texte un article visant à prévoir une « indemnisation plancher » correspondant aux salaires des six derniers mois pour tout salarié licencié en raison d’un motif discriminatoire, lié notamment au sexe, à la grossesse, à la situation familiale, etc., ou faisant suite à un harcèlement sexuel. De plus, un amendement prévoit « l’obligation pour l’employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à la personne licenciée suite à un traitement discriminatoire ou à un harcèlement moral ou sexuel ».