Inégalités salariales hommes/femmes : Pouvez-vous vraiment vous mettre en grève ce lundi à 16h34?

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Source : 20minutes.fr (07 novembre 2016)

Alors qu’un mouvement appelle les Françaises et les Français à cesser le travail, « 20 Minutes » fait le point sur le droit de grève dans le secteur privé…

Le 24 octobre dernier, des milliers d’Islandaises quittaient leur travail, à 14h38. Une manière de rendre visible leur mécontentement face aux inégalités salariales homme-femme qui, dans leur pays, sont estimées à 14 %. Ce lundi 7 novembre à 16h34, les Françaises en feront-elles autant ?

Elles y sont en tout cas invitées par le collectif Les Glorieuses. Qui n’a pas choisi la date au hasard : à partir de ce lundi 16h34 et 7 secondes, les femmes commenceront à travailler « bénévolement » jusqu’à la fin de l’année, puisqu’elles sont en moyenne payées 15,1 % de moins que les hommes (sources Eurostat 2010).

Deux grévistes sinon rien

Si l’appel des Glorieuses séduit – leur message a été très relayé sur les réseaux sociaux et de multiples événements sont d’ores et déjà programmés, notamment sur Twitter, avec le hashtag #7novembre16H34 – pouvez-vous vraiment vous permettre de cesser le travail ce lundi, à 16h34 ? Soit, concrètement, de vous mettre en grève ?

« La grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement », avance Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail. Autrement dit : vous ne pouvez pas être, dans votre entreprise, le seul salarié (ou la seule salariée) à vous mettre en grève. Vous devez, a minima, convaincre au moins un(e) autre employé(e) de vous suivre dans ce mouvement. En revanche, nul besoin d’obtenir le soutien d’une quelconque organisation syndicale.

Deuxième règle majeure : pour exercer votre droit de grève, vous devez être directement concerné par la problématique sous-tendant l’appel à cette grève. Dans le cas présent, il faut donc que vous soyez une salariée dont la rémunération est effectivement inférieure à celle d’un collègue masculin, pour un poste équivalent.

« La grève permet de porter des revendications professionnelles, c’est-à-dire des demandes qui peuvent potentiellement être satisfaites par l’employeur. Si ce dernier garantit déjà l’égalité salariale homme-femme, il ne pourra pas agir. Dès lors, les revendications ne sont plus d’ordre professionnel, mais politique, et la grève devient donc illégitime », détaille Eric Rocheblave.

Pas de préavis à respecter

Un employé peut toutefois se mettre en grève s’il n’est pas lui-même concerné par l’inégalité salariale homme-femme, mais seulement si cette inégalité est réellement subie par une ou plusieurs autres salariée (s) de l’entreprise. « Le droit privé tolère la grève de solidarité interne », confirme Me Eric Rocheblave.

Ces conditions réunies, la grève peut être lancée. Il n’y a pas de formalisme à respecter dans le secteur privé : « Le droit de grève peut s’exercer sans préavis, c’est-à-dire sans en informer au préalable votre employeur », précise Me Eric Rocheblave. Ce lundi à 16h34, vous pouvez donc vous lever et quitter votre poste en vous contentant de prévenir – oralement ou par écrit – votre supérieur.

Mais certaines règles doivent être respectées : vous ne devez pas empêcher les non grévistes de travailler, ni entraver la liberté de circuler des collaborateurs et des visiteurs de l’entreprise. Vous ne devez dégrader aucun bien. Et vous devez effectivement cesser tout travail – le fait de refuser d’effectuer certaines tâches, de travailler au ralenti ou encore d’alterner les périodes d’arrêt et de reprise du travail – ce que l’on nomme la grève perlée – est interdit.

Si le salarié enfreint l’une de ces normes, il s’expose à une sanction, qui peut aller du simple avertissement jusqu’au licenciement. Reste que selon Me Rocheblave, se mettre en grève pour exiger l’égalité salariale n’est pas la meilleure des approches.

« Si une salariée fait l’objet d’une discrimination salariale, elle doit d’abord mettre en demeure son employeur, c’est-à-dire lui demander de justifier l’écart salarial constaté. Si l’employeur ne lui répond pas ou lui donne une réponse qui ne la convainc pas, elle doit saisir la justice prud’homale. Elle a ainsi davantage de chance d’obtenir non seulement gain de cause, mais également un rattrapage de salaire sur les trois dernières années », détaille l’avocat.

Qui insiste : « En France, la discrimination salariale fondée sur le genre est interdite. Les textes de loi qui protègent les femmes existent. La meilleure façon de les faire respecter, c’est de passer par le juge ».