Destruction d’emplois par les robots : devinez qui va trinquer ?

Revue de Presse

Source : marianne.net (25 avril 2019)

L’OCDE affirme que la robotisation provoquera la disparition de 16% des emplois existants aujourd’hui en France. Parmi les travailleurs dont les emplois seront détruits, les moins qualifiés sont les moins formés pour éviter de subir cette mutation de plein fouet.

Serez-vous remplacé par un robot ? Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié ce jeudi 25 avril, 16,4% des emplois existants aujourd’hui en France disparaitront dans les 15 à 20 années à venir en raison de la robotisation. Et 32,8% des emplois sont exposés à un ‘changement radical’. L’étude, intitulée L’Avenir du travail, souligne que ces destructions devraient être compensées par la création de nouveaux emplois mais qu’il est donc urgent de former la population pour qu’elle s’adapte, et notamment les travailleurs les moins qualifiés, plus exposés aux risques de cette mutation.

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En orange, la part des emplois ayant plus de 70% de chances d’être automatisé. En bleu, la part des emplois ayant entre 50% et 70% de chances de l’être. Capture OCDE – L’Avenir du travail.

400.000 nouveaux robots par an

L’OCDE définit les emplois à ‘haut risque d’automatisation‘ comme ceux qui ont au moins 70% de chances d’être robotisés. Les emplois encourant un risque de ‘changement significatif‘ sont ceux qui ont entre 50 et 70% de chances d’êtres automatisés. Et bien sûr, les principaux secteurs d’emploi concernés sont ceux que l’OCDE définit comme ‘moyennement qualifiés‘, ‘dont la nature routinière rend assez facile la codification en une série d’instructions qu’une machine peut accomplir‘. Autrement dit, les ouvriers qualifiés, opérateurs de machines, travailleurs sur des chaînes d’assemblage, ou encore les salariés remplissant des tâches de secrétariat.

La marche des robots semble impossible à arrêter : d’un peu plus de 200.000 dans le monde en 2014, le nombre annuel de nouveaux robots industriels aurait franchi la barre des 400.000 unités en 2018, et devrait dépasser les 600.000 en 2021.

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Estimation du nombre annuel de robots industriels livrés chaque année, en milliers d’unités. Capture OCDE – L’Avenir du travail.

Les économies projetées sur le coût du travail d’ici à 2025 laissent miroiter aux entreprises des gains significatifs : 9% en France, 21% en Allemagne et jusqu’à 33% en Corée du Sud. En outre, le mouvement général de vieillissement de la population dans les pays développés, résultat combiné de la baisse de la natalité et de l’augmentation de l’espérance de vie, favorise également l’automatisation des emplois, explique l’OCDE. La pénurie de main-d’œuvre consécutive à la diminution de la part des actifs au sein de la population laisse en effet le champ libre au remplacement de travailleurs humains par des robots.

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Projection (en %) des économies sur le coût du travail réalisées grâce à l’adoption de robots industriels avancés d’ici 2025. Capture OCDE – L’Avenir du travail.

Le fait qu’un emploi puisse être automatisé ne signifie pas qu’il le sera : la robotisation pourrait ne pas être toujours profitable ou souhaitable. Elle peut soulever des questions légales et éthiques, et sera l’objet de décisions politiques‘, tempère cependant le rapport. ‘Un processus de destruction créative est à l’œuvre‘, analyse Stefano Scarpetta, directeur de l’emploi, du travail et des affaires sociales à l’OCDE. La robotisation n’est pas un mal en soi, précise-t-il : ‘Des tâches aliénantes et dangereuses peuvent être automatisées‘, si bien que ‘la santé, la sécurité et la productivité s’en trouvent améliorées‘. Selon l’OCDE, les améliorations techniques ne sont pas les fossoyeurs du travail : ‘Quatre emplois sur dix créés cette dernière décennie l’ont été dans des industries où l’usage du numérique est élevé‘, constate l’étude.

Les moins qualifiés risquent le plus de souffrir de la robotisation

Reste qu’un défi se pose pour éviter que les travailleurs effectivement remplacés par des machines ne restent pas sur le carreau, comme l’explique Stefano Scarpetta : ‘Beaucoup d’individus vont devoir changer d’emploi et de type de travail, et beaucoup vont également devoir se mettre à la page. Cette transition vers de nouveaux emplois pourrait être difficile et coûteuse pour de nombreux travailleurs.

Le taux de formation en cours de carrière des employés peu ou pas qualifiés – ceux qui ont le plus de chances d’être affectés par les changements à venir – est en moyenne 40% plus bas que celui des travailleurs très qualifiés au sein de l’OCDE‘, déplore l’étude. En France, l’inégalité d’accès à la formation professionnelle est patente : les plus qualifiés, qui sont 10% de plus à manifester leur volonté d’enrichir leurs compétences en cours de carrière que les moins qualifiés, sont 40% de plus que ces derniers à effectivement accéder à une telle formation, pile dans la moyenne de l’OCDE.

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Différence (en%) de volonté de participation et de participation effective à une formation professionnelle entre les adultes les moins éduqués et les plus éduqués. Capture OCDE – L’Avenir du travail.

Les auteurs du rapport concluent ainsi sur une note plus politique : ‘Les travailleurs qui perdent leurs emplois en raison de changements technologiques ont besoin d’être aidés. (…) Un soutien aux revenus, lié à des incitations pour retrouver un emploi, sera décisif pour réduire le coût individuel de ce processus d’ajustement.‘ La partie est loin d’être gagnée : selon une autre enquête de l’OCDE consacrée à la qualification des adultes, plus de 50% d’entre eux au sein des 28 pays membres de l’organisation ne savent utiliser un ordinateur que de manière rudimentaire, se bornant à envoyer des mails ou à naviguer sur Internet. En l’état, la formation professionnelle laisse sur le carreau les moins diplômés.