LES RECETTES POUR ÊTRE EFFICACE EN TÉLÉTRAVAIL

Revue de Presse

Source : capital.fr (13 novembre 2019)

Pour bosser efficacement de chez soi ou d’ailleurs, il faut s’organiser, se discipliner, gérer son espace et son emploi du temps. Les recettes des experts.

Les activités professionnelles nomades gagnent du terrain. Plus de la moitié des Français (53%) travaillent occasionnellement ou régulièrement hors des locaux de leur entreprise (L’Observatoire Actineo, baromètre 2019). Et le nombre d’autoentrepreneurs ou de free-lances va croissant. Totalement maîtres de leur planning, ces derniers sont libérés des contingences de lieu et d’horaires alors que les salariés en télétravail, pour un à plusieurs jours par semaine, respectent souvent un emploi du temps classique, mais chez eux. Tous, en revanche, se confrontent à la même difficulté  : maintenir leur performance de travail loin de leurs collègues, de leur hiérarchie ou de leurs clients. « Travailler à distance impose de relever deux défis. Le premier, organisationnel, suppose de redéfinir sa façon de travailler. L’autre, relationnel, impose de revisiter ses modes d’échanges avec les autres», explique Bertrand Déroulède, chef de projet à la Cegos, notamment en matière de travail à distance. Voici les éléments à surveiller pour télétravailler dans la sérénité.

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Enfiler la tenue de travail

Bien sûr, rien ne vous empêche de rester en pyjama toute la journée, alors que votre principal interlocuteur est votre écran d’ordinateur. Pourtant, insidieusement, cette décontraction risque de vous jouer des tours. Après tout, personne ne porte un maillot de bain pour sortir dans la rue ou un costume trois pièces pour dormir. A chaque moment de la journée correspond un code vestimentaire qu’il est important de suivre…Mais pas forcément à la lettre. « Au siège de mon entreprise, tous les hommes sont en costume-cravate. Donc je porte inévitablement un tailleur jupe ou pantalon et je mets un peu de maquillage. Environnement l’oblige. En revanche, à la maison, où je suis deux jours par semaine, je m’autorise des tenues plus décontractées. Un jean par exemple», glisse en souriant Claire Béjui, commerciale et contract manager au service juridique d’Accenture. Libéré du regard des autres, le travailleur à distance n’en doit pas moins revêtir un « uniforme». « Le fait de s’habiller signe symboliquement la distance entre la sphère domestique et la sphère professionnelle», précise Serge Assayag, associé du cabinet Onepoint x Weave. Au moins, si votre supérieur vous passe un coup de fil impromptu en Facetime, vous ne serez pas forcé d’ignorer l’appel le temps d’enfiler une tenue décente !

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Se fixer un cadre

Fixer la limite entre le privé et le professionnel reste la gageure du travail à distance. « Pour rester productif, l’organisation personnelle est très importante. Or, en l’absence de cadre, s’organiser est plus difficile», rappelle Serge Assayag. D’un tempérament plutôt structuré, Claire, commerciale, sait ce qui fonctionne pour elle. « Le télétravail me convient, parce que je m’applique la même rigueur qu’au bureau.» La jeune femme débute sa journée de travail à domicile à 9 heures et la finit vers 18 heures, en s’accordant une petite heure de pause déjeuner. Romain Dao, product designer UX en free-lance, démarre son activité bien plus tard, en fin de matinée. « Je n’ai pas de contrainte hiérarchique, alors je profite des périodes où j’ai moins de projets pour me reposer, aller voir des expos. En contrepartie, je travaille tard le soir.»

Le choix du cadre de travail dépend aussi bien de la personnalité que du domaine d’activité et des contraintes domestiques. Si Claire a adopté les horaires de son entreprise, c’est aussi parce qu’elle est censée être joignable à ces moments-là. En étant son propre patron, Romain bénéficie de plus de souplesse pour programmer ses journées. Tout deux cependant respectent un rythme régulier, car ils ont su instaurer les conditions d’un travail efficace. Comment ? En s’aménageant un espace de travail bien à eux.

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Personnaliser son espace de travail

Romain partage un bureau situé à deux pas de chez lui avec une petite société d’informatique. Claire, elle, s’est installé un pupitre réservé au boulot dans un coin de son salon. Julien Gazeau, web designer établi à New Delhi, a choisi un coffee-shop calme avec un bon accès WiFi. En correspondant à son occupant, chacun de ses lieux devient un environnement propice au travail. Car, rappelle Serge Assayag, « l’important, c’est de se sentir bien». Claire a ainsi soigné la végétalisation de son espace  : « Les jours où je télétravaille, j’aime bien m’offrir un beau bouquet de fleurs.» Egalement fan de verdure, Romain a encadré son large écran avec des plantes grimpantes. Quant à Julien, il aime occuper, au choix, les deux mêmes tables de son « coffee office» : celles affublées de confortables fauteuils, loin des enceintes.

Sans un véritable endroit de travail, le risque est grand de succomber à la tentation de la bougeotte, déconcentration à la clé. Arnaud, rédacteur free-lance pour des sites de musique, connaît bien les effets des déplacements incessants. Papa de deux fillettes scolarisées loin de chez lui, il doit, une semaine sur deux, naviguer entre plusieurs endroits pour ne pas avoir à assurer les trajets domicile-école quatre fois par jour et gagner trois heures de transport. Les semaines avec enfants, le journaliste se pose parfois chez une amie qui habite à dix minutes de l’école ou dans le studio de musique d’un autre de ses copains. « La transition entre ces différents lieux, ordinateur sous le bras, me disperse un peu. Il faut chaque fois prendre le temps de se reconcentrer. Mais une fois posé, je travaille souvent plus vite que chez moi. Je suis plus investi.» Reste ensuite à se discipliner. Et, pour cela, les rituels sont idéals.

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Créer les conditions d’une bonne concentration

Au calme chez elle, Claire débute sa journée en écoutant les infos à la radio, puis poursuit en musique pour se plonger dans ses dossiers. Créateur d’interfaces Web, Julien adapte carrément son écoute musicale à son activité. « Quand je code, je me motive avec de la techno, c’est rythmé, explique-t-il. Mais pour le travail de design, je canalise mon énergie en écoutant du classique, du piano le plus souvent.» Romain, lui, évite la radio qui le perturbe. Il a opté pour le programme de gestion du temps Pomodoro qu’il a téléchargé sur son ordinateur : il consiste en quatre plages de travail de vingt-cinq minutes interrompues chaque fois par une pause de cinq minutes. « Je m’arrête quand mon ordinateur sonne. Au bout d’une heure et demie de travail, je souffle un peu plus longtemps, environ un quart d’heure. Avant j’avais tendance à faire des pauses à rallonge. Ce temps minuté m’aide à ne pas m’éparpiller.» Savoir arrêter de travailler, puis recommencer, est en effet un élément à maîtriser.

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S’aménager des pauses (utiles)

« Les pause, sont obligatoires, rappelle Bertrand Déroulède. Elles permettent de structurer la journée.» Pour que l’effet en soit renforcé, mieux vaut toujours se les accorder dans un endroit différent de celui où l’on travaille. Il y a d’abord le déjeuner, à ne pas délaisser. Plutôt adepte du sandwich face à son écran lorsqu’elle est au siège de son entreprise, Claire opte pour un repas à l’extérieur en compagnie d’un ou d’une amie lorsqu’elle est dans son quartier. Déjà au café, Julien, lui, s’extirpe de son fauteuil tous les midis pour une soupe dans l’un des nombreux stands ambulants de la rue. Ensuite interviennent les micro-pauses. Elles sont nécessaires mais représentent autant de tentations potentielles à éviter.

Pragmatique, Claire couple parfois une pause boulot avec la réalisation d’une tâche domestique : sortir le linge de la machine, cuisiner des légumes pour le dîner, faire quelques courses… Une attitude que Lisa Kanarek, auteure américaine de cinq livres sur le travail à la maison, nomme les « breaks utiles». L’experte conseille même d’établir chaque début de journée une courte liste de tâches, certes ingrates, mais faciles à réaliser en dix minutes et qui vident l’esprit. A New Delhi, Julien a intentionnellement choisi d’élire domicile dans un petit café qui ne sert rien d’autre que… du café. « Durant la journée, l’endroit est quasi désert et offre peu de distractions. En début de soirée l’absence de vente d’alcool m’épargne la fréquentation des salariés sortant des bureaux alentours, s’amuse le jeune homme. Pas de risque d’être tenté !»

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Se rendre visible

Le plus grand danger du travail à distance réside enfin dans l’aspect relationnel.  « Quand on télétravaille plusieurs jours par semaine, il faut développer son autonomie et surtout revisiter sa relation avec ses collègues et son management», avertit Bertrand Déroulède. Le piège : se consacrer uniquement à ses dossiers et se couper du monde. Bien sûr, travailler à domicile évite les sollicitations des collègues, le bruit de l’open space ou encore l’appel de la machine à café, mais il faut toutefois rester visible. Equipée par son employeur de la plateforme collaborative Teams, Claire commence sa journée en passant le bonjour aux membres de son équipe via la messagerie instantanée. « Je garde pour mes jours de télétravail des projets sur lesquels j’ai besoin de me mobiliser, des grosses relectures de contrat par exemple. Donc, c’est vrai, ce jour-là, j’interagis moins avec les autres. Mais je signale toujours ma disponibilité.»

Remplacer sa présence physique par une disponibilité digitale, c’est aussi ce qu’a mis en pratique Denis. Conseiller en prévention dans une administration locale qui vient tout juste de mettre en place le télétravail, le cadre s’étonnait de ne jamais recevoir aucun appel le vendredi, jour où il bossait chez lui. Et ce bien que sa ligne professionnelle ait été basculée sur son mobile. « Je découvrais le lundi, de retour au bureau, des informations qu’on aurait pu me transmettre dès le vendredi. En fait, les membres de mon équipe n’osaient pas me déranger !» Depuis, Denis prend sur lui d’appeler d’avantage ses collègues. Il a même demandé à sa responsable hiérarchique de placer leur entretien individuel hebdomadaire sur son jour de télétravail. L’habitude a fait le reste.

Pour les travailleurs indépendants, l’invisibilité est une menace encore plus forte. A son compte depuis six ans, Romain fait en sorte d’être très facilement joignable par ses clients, par téléphone et par e-mail . Le webdesigner montre aussi sa présence sur les réseaux sociaux avec des posts sur LinkedIn ou en publiant des articles plus fouillés sur Medium, une plateforme américaine de contenu en ligne très tendance dans le monde du blogging et de l’information Web. « Cela me positionne comme expert, explique le jeune homme, qui ne manque pas de commandes. Cela justifie mes tarifs et me permet d’exister.»

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Télétravail : ce que dit la loi

  • Un accord contractuel
    La possibilité de télétravailler à domicile se répand dans les entreprises. Cette option doit cependant être précisée dans le contrat de travail. « Bien que travaillant hors des locaux de l’entreprise, vous y êtes toujours rattaché, précise Serge Assayag, associé du Cabinet Onepoint, en charge des sujets RH. Vous bénéficiez donc des mêmes droits que les employés exerçant dans l’enceinte de la société mais aussi des mêmes obligations.»
  • Un accord de disponibilité
    Inutile d’opter pour un jour de télétravail le vendredi afin de partir plus tôt en week-end… Un accord de télétravail induit forcément un accord de disponibilité et la possibilité d’être joignable sur des horaires de travail fixes. C’est la seule contrainte.
  • Des devoirs, mais aussi des droits
    « Le télétravail est une délocalisation, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’horaires. Un télétravailleur reste un salarié de l’entreprise», répète Serge Assayag. Le matériel professionnel, par exemple, doit être couvert par l’assurance de l’employeur, qui peut aussi prendre en charge tout ou partie des frais de connexion. Le travail free-lance induit, quant à lui, la souscription à une assurance professionnelle, pour couvrir d’éventuels dommages matériels et/ou physiques.